jeudi 9 juin 2016

Article sur la Sardaigne à moto dans le magazine Road Trip n°35


Découvrez cet article paru il y a peu dans l'édition n°35 du magazine dédié aux voyages à moto : Road Trip. Dans ce dernier un motard vous raconte son périple à travers la Sardaigne, qu'il surnomme "l'autre île de beauté". Un membre d'Europe Active : Anthony, l'a accompagné pendant son séjour afin de lui faire découvrir les plus beaux endroits au guidon de nos Honda CB500X et d'une Suzuki VSTROM.



Récit par Collin Audibert, photos d’Eric Corlay

"Une fois que l’on a goûté à la Corse, difficile de ne pas se laisser tenter par les autres splendeurs de la Méditerranée. Depuis Bonifacio, ce ne sont que trois petits quarts d’heure de traversée qui vous séparent de la Sardaigne et ses étendues sauvages.

L'île de Pâques n'est pas encore au programme. Kairouan non plus. Pour suivre la chanson, nous aurions pu alors prendre la direction de Syracuse. Mais la Sicile, pourtant voisine, sera remise aux calendes grecques. Pour l'heure, nous préférons, une fois encore, prendre la direction de la Corse. Impossible de résister à son appel. Toutefois, si nous rejoignons l'île de beauté, ce n'est que pour la traverser rapidement et rejoindre Bonifacio d'où nous embarquerons pour traverser l'étroit bras de mer qui nous sépare de la Sardaigne. Quand arrive le petit ferry, celui-ci laisse déjà sortir un flot de véhicules dans lequel prennent place de nombreux camions, chargés de matériaux de construction. Oui, la main-d'oeuvre italienne à moindre coût joue ici un sale tour aux entreprises locales. Pas sûr en revanche que l'artisan corse possède un carnet de commandes qui lui permette d'aller bosser par-delà les flots. Dernier regard sur les côtes corses et les falaises du plus célèbre de ses villages. Je sais maintenant d'où sont prises les cartes postales qui inondent les boutiques de souvenirs.
Nous quittons les falaises de Bonifacio pour la Sardaigne.

Si une vingtaine de miles nautiques, tout au plus, sépare la Corse de la Sardaigne, la mer n'a pas oublié ce jour-là de nous offrir quelques bons creux. On commence par en rigoler niaisement, puis très vite on se calme, trouvant qu'en mer le temps ne passe pas assez vite. Je n'aurais pas fait un bon marin. Quelques bonnes bouffées de gasoil échappées des cheminées me le confirment. Définitivement, rien ne vaut le plancher des vaches. Nous le retrouvons à la pointe septentrionale de l'île, à Santa Teresa di Gallura. 

Anthony, qui nous servira de guide tout au long de ce périple, nous met au parfum immédiatement. Ici, les limitations de vitesse sont pour le moins “originales" et on se retrouve bien souvent à rouler à 50 km/h même sur une route de campagne. Heureusement, nous sommes en Italie et chacun sait ici que la réglementation routière n'est pas faite pour être respectée. Elle est là parce qu'il faut bien qu'il y en ait une. Et puisqu'il faut bien qu'il y ait aussi ces fichus radars automatiques, on surveille tout de même son tableau de bord. On le surveille d'autant plus que depuis peu, les procès, même pour stationnement, vous suivent jusqu'en France. Belle époque ! Si elle voit affluer nombre de touristes à la belle saison, la petite station balnéaire de Santa Teresa di Gallura a su conserver un charme certain. Heureusement, car depuis la mer, les côtes laissaient apercevoir quelques programmes immobiliers au goût plus que douteux. C'est indéniable, pour l'amoureux des vieilles pierres et des villages typiques, mieux vaut rester en Corse. Ce n'est pas par son architecture que la Sardaigne vous séduira le plus. Mais l'île a heureusement bien d'autres charmes à vous offrir.

Le littoral sarde et la mer agitée.

À commencer par celui du littoral “gallurese" qui court jusqu'à Isola Rossa. Pour le suivre, il suffit d'emprunter la SP 90 en direction du sud. Très vite, la côte déchirée par la mer et vent, vous offre un spectacle des plus admirables. Sachez alors oublier le bitume et emprunter les nombreux chemins d'accès aux plages. En février, c'était un vrai paradis. En juillet et août, c'est paraît-il un véritable enfer. Les Italiens, trouvent en effet ici quelques-unes des rares plages gratuites du pays. Et puisque le cadre est idyllique, pourquoi s'en priver. Passé Vignola Mare, toujours en favorisant les petits chemins côtiers, nous découvrons, complètement par hasard, l'accès à la petite chapelle Silverio dont le Christ tourné vers la mer semble vouloir apporter la paix sur les flots. Elle fait face à la tour génoise de Vignola, elle aussi censée offrir sa protection. En gagnant le sud, la SP 90 se met à tournicoter gentiment. Là encore, l'absence totale de touristes est garante d'un agrément optimal. L'île semble n'être là que pour nous. On se plaît alors à imaginer passer une semaine de vacances en juin ou septembre. Certainement un bon plan à prévoir. 

De virage en virage, nous gagnons la cité médiévale de Castelsardo. Toutefois, ce n'est qu'en lisant quelques guides que vous découvrirez que l'endroit a été habité dès le Moyen âge, car son architecture, sans trop de charme et aux couleurs un rien criardes, renvoie quant à elle à une époque nettement plus contemporaine. Paradoxalement, il faut admettre que l'ensemble forme une certaine harmonie visuelle plutôt plaisante. Puis, en levant encore un peu plus les yeux, on distingue effectivement les vestiges de fortifications féodales, fondées en 1102 par les Génois, qui surplombent, sur l'autre versant, le vieux quartier de la ville. À la belle saison, l'endroit est, là encore, investi par les touristes qui y voient, paraît-il, comme un air de ressemblance avec le Mont Saint-Michel. Pour notre part, on en conclut surtout qu'en été le soleil doit taper super fort ! 

Sans vouloir tomber dans un quelconque chauvinisme, nous remontons en selle et poursuivons notre découverte du littoral jusqu'au Parc Naturel Régional de Porto Conte. La Strada Provinciale 55 nous conduit maintenant jusqu'au Cap Caccia connu pour ses Grottes de Neptune, formations karstiques, que le célèbre escalier “Cabriol" de 654 marches bâti à flanc de roche permet de rejoindre. Par chance, son accès était fermé lors de notre venue. Néanmoins, le point de vue sur la Méditerranée depuis le haut des falaises vaut bien le détour, notamment au coucher du soleil. Après une première nuit passée en chambre d'hôtes du côté de Santa Maria La Palma (voir pages pratiques), notre découverte de l'île nous mène jusqu'à Alghero, ville importante de 43 500 habitants. Dans la région, la colonisation d'Aragon qui s'est tenue du XIV*" au XVIII°" siècle a laissé davantage de traces que partout ailleurs sur l'île. La plus vivante est perceptible à l'oreille, par le dialecte local. 

Après avoir flâné sur le port de pêche sur les quais duquel sont débarqués les casiers de gambas, calamars et crevettes fraîchement pêchés, on franchit les remparts pour entrer au coeur de la ville. Ici, le charme de l'ancien a su être conservé et la ville offre un cadre agréable pour la balade. Celle-ci vous invitera ensuite à rejoindre le front de mer et vous permettra de profiter des fortifications de la ville. La SP 105 continue toujours plus au sud, sans jamais s'écarter du littoral, offrant alors à chaque sortie de courbe une vue spectaculaire sur les eaux de la Méditerranée.

Retour au calme sur la côte Ouest, direction le Sud

Dans nos rétroviseurs, Alghero est semblable à un véritable vaisseau s'avançant dans les flots. Si les traces des Aragonais y sont encore visibles (et audibles), les Génois, par leurs tours semblables à celles que l'on trouve en Corse, ont laissé eux aussi un témoignage de leur présence. Plus loin, après que la SP49 ait pris le relais, nous découvrons cette fois la cité de Bosa, 8000 âmes, située à l'embouchure de la rivière Temo. Bien que l'heure soit à la sieste, tradition des plus respectées en Sardaigne, la ville est prise d'une incroyable frénésie. Nous sommes le 9 février et c'est jour de carnaval. Ici, il s'appelle “Sattittidu", et chacun y participe. En ce Mardi Gras, la tradition veut que tous les hommes se déguisent en veuves et errent dans les rues, s'apitoyant sur leur sort. Ils tentent de trouver leur salut en adressant des poupées aux femmes qu'ils croisent afin d'obtenir du lait, celui-ci permettant de maintenir la poupée et le carnaval en vie. Dans la pratique, les jarres de lait contiennent surtout du Malvasia, un vin local, qui intervient pour beaucoup dans l'ambiance festive de la ville. Mais pour nous, pas trop question d'y goûter pour l'heure, nous préférons davantage nous mettre en quête d'une bonne table. En guise de consolation, nous nous offrons une belle Fiorentina, que nous pouvons comparer ici à une côte de boeuf. Nous nous réservons le vin et “I'Ichnusa", la bière locale, pour la soirée. Le déjeuner, pris en terrasse, s'éternise. Quelques “échappés" du carnaval viennent y assurer l'animation et nous en profitons pour notre plus grand plaisir. 

Poussés non pas par l'heure, mais par un ciel de plus en plus menaçant, nous quittons Bosa par la SS 129 puis la 192. Cette dernière nous fait reprendre la direction de l'est. L'intérieur des terres voit apparaître un relief qui tend à s'affirmer parfois mais qui, il faut bien l'avouer, ne peut rivaliser avec les merveilles que l'on trouve en Corse. D'ailleurs, quel endroit peut-il vraiment rivaliser ? Alors que je ne suis toujours pas parvenu à trouver une réponse incontestable à cette question, nous arrivons dans la petite ville de Bitti, située dans la province de Nuoro. Cette fois, nous ne sommes plus bien loin de la côte orientale. Avant de mettre un terme à cette journée, nous nous hâtons du côté de Su Romansezu où nous découvrons l'un des 8 000 vestiges nuragiques que compte l’île. Celui-ci est l'un des plus importants. Plus tard, ayant échappé pour la deuxième journée consécutive à la pluie pourtant promise, nous fêtons dignement cette providence. Mais celle-ci sera de courte durée. 

Et le lendemain matin, nous en avons clairement l'explication. Les nuages de la veille ont été chassés par des vents d'une violence inouïe. S'ils s'étaient contentés de se limiter au littoral jusqu'alors, les voici aujourd'hui à l'intérieur des terres. Plus l'inconfortable, la conduite risque d'être dangereuse. Le temps de descendre au centre de Bitti, une des motos en a déjà fait la triste expérience dans un virage en épingle. Les rafales nous donnent de véritables gifles. Nous nous posons dans un café pour faire le point. Que faire ? Les cappuccinos et les “Ginsengs" défilent. Nous ne pouvons pas rester ici. faut partir. Notre traversée pour la Corse est réservée au lendemain après-midi. Un coup de #phone à la compagnie maritime nous informe que les liaisons avec la Corse ou le continent sont suspendues jusqu'à nouvel ordre. Des rafales jusqu'à 160 km/h sont attendues en mer. Ça se complique ! Nadia, une motarde Sarde, qui nous accompagne pour ce reportage, est tétanisée à l'idée de remonter Sur sa moto. Elle renonce. Là, nous sommes carrément dans la “polenta". Quelques minutes de réflexion et on se rend à l'évidence, il nous faut continuer. La moto de Nadia sera donc jetée dans un ravin. Non, finalement nous préférons la laisser sur le parking de l'hôtel et Nadia deviendra ma passagère. Les premiers kilomètres sont particulièrement stressants. Heureusement, la circulation est quasi nulle en cette saison et les quelques belles embardées que nous nous offrons n'auront pas de conséquences.
De belles routes sinueuses, idéales pour les motards !
Nous gagnons d'épaisses forêts de chênes-lièges qui par chance nous offrent un véritable abri. Elles hébergent également quelques troupeaux de moutons à poils longs dont un n'a pas trouvé meilleure idée que d'aller s'emprisonner au milieu d'un joli bouquet de ronces. L'animal se démène comme un diable pour se libérer. Bien évidemment, plus il bouge et plus le piège se referme sur lui. Une mission de sauvetage débute donc pour Nadia. Il lui faudra l'aide d'un cran d'arrêt, non pas pour nous ramener quelques côtelettes à griller, mais pour couper d'énormes touffes de poils afin de libérer le mouton et ainsi réduire à néant la promesse d'un super barbecue. Nadia, nous expliquera qu'il est assez fréquent que des moutons se retrouvent ainsi piégés dans le maquis ou les ronces et finissent par mourir d'épuisement. 

Cette bonne action accomplie, nous remontons en Selle, le sourire aux lèvres, mais la faim au ventre. Ce geste salvateur aura certainement plu à Éole qui aura décidé d'aller souffler sa colère ailleurs. Enfin, la paix revient sur notre route. Puis au fil des kilomètres, et jusqu'à Monti, la SS389, d'un revêtement parfait, se met à sinuer généreusement de vallée en vallée. La Sardaigne trouve incontestablement avec elle l'une de ses plus jolies routes, même si celle-ci ne s'approche aucunement du littoral. Incontournable ! Monti n'est plus très loin et déjà l'ambiance champêtre laisse sa place à un milieu, plus urbanisé, plus orienté vers le tourisme. Olbia, haut lieu de villégiature, n'est plus qu'à quelques encablures. Nous nous en détournons pour rejoindre Palau, ville côtière d'où un nouveau bac nous permettra de rejoindre en quelques minutes la petite île de La Maddalena. Là encore, l'hiver n'est pas au goût des camping-cars. L'île nous appartient presque. Ça valait bien le coup de braver la tempête de ce matin. La découverte de La Maddalena sera vite faite, l'île du Nord au Sud devant s'étendre au maximum sur 8 ou 10 kilomètres et à peine la moitié d'Est en Ouest. Néanmoins, la SP 114, que l'on nomme également Cala Francese, vous promet un émerveillement par ses nombreux panoramas. Depuis le littoral, vous pourrez effectivement contempler les côtes sardes et corses. Mais, même si une seule journée suffira largement à faire le tour de l'île, nous ne saurions trop vous conseiller d'y passer la nuit. Le soir venu, le petit port de pêche offre de nombreuses terrasses accueillantes. Pour notre part, nous avons trouvé notre bonheur dans une minuscule gargote de la Via Vittorio Emmanuele qui s'échappe du port. Et c'est presque depuis l'arrière-cuisine que nous passerons la soirée. La patronne nous a volontairement mis à l'écart de ses habitués qu'elle aura certainement jugés un peu trop bruyants. Nous y passerons un moment des plus festifs que viendront parfaire quelques dégustations de liqueur de myrte. Une fois encore, pas sûr que la saison estivale vous garantisse ce genre de soirée. Soyons honnêtes, pour trouver ici un hébergement ouvert en cette saison, mieux vaut avoir pris ses dispositions. 

Au lendemain d'une nuit des plus calmes, puisque l'hôtel n'avait ouvert ses portes que pour nous accueillir, nous retrouvons la Sardaigne où nous mettons le cap sur Santa Teresa Gallura afin de reprendre le ferry pour Bonifacio. À l'embarcadère, un écriteau nous annonce qu'en raison des conditions météorologiques, la navigation entre la Sardaigne et la Corse est suspendue. Le bureau de la capitainerie est fermé et personne n'est là pour nous renseigner. C'est à n'y rien comprendre. Le temps est au beau fixe et le vent ne souffle que modérément. Ayant un bon moment devant nous avant l'heure supposée de notre embarquement, nous optons pour une pizza et une salade de poulpe au centre-ville de Santa Teresa. À notre retour, deux heures plus tard, l'embarcadère grouille d'activité. Le ferry est à quai, de nombreux véhicules attendent d'y accéder et la police procède à leur contrôle. Tout va bien. Nous pouvons monter à bord. Pour seule explication, nous nous contenterons de considérer que rien ne peut déroger à la tradition de la sieste, l'une des félicités de cette autre île de beauté."
Fin de la balade, les reliefs sardes en toile de fond.

Il est toujours possible de faire une pause agréable en bord de mer.
 
Nous remercions le magazine Road Trip pour le magnifique récit de cette belle aventure.


 

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