L'agence passe à l'est

Présente par de nombreux circuits guidés ou libres, en Europe, Etats-Unis et Asie, l'agence de voyage moto Europe Active, comme son autre entité Tiger Roads, ne cesse d'élargir son champ d'action.

Parmi ses dernières destinations proposées, la Roumanie s'impose comme une véritable surprise. Un pari osé? Pas forcément.

Anthony Laplagne, boss et créateur de l'agence, nous en livre son explication.


Propos recueillis par Collin Audibert, publiés dans le magazine Road Trip N°56 d'octobre 2019.


Anthony, qu'est-ce qui vous a donné envie de vous intéresser à cette destination? 
J'ai un bureau sur place, à Bucarest, depuis plus de 10 ans, qui jusque-là faisait découvrir la Roumanie via des activités comme la randonnée, le vélo ou les auto tours. C'était donc l'occasion pour moi de lancer une nouvelle activité moto dans un pays parfaitement maîtrisé en formant l'équipe locale à l'accueil et aux attentes du motard.

La Roumanie n'est pas loin et ceux qui y sont allés en sont revenus agréablement surpris. Les hébergements sont très bons, la nourriture excellente, l'accueil plus qu'agréable et les paysages fabuleux.

L'image médiatique, qui sert parfois le jeu des amalgames, ne donne pas un reflet toujours très flatteur d'une destination telle que la Roumanie. Qu'en est-il exactement ? 
Il est vrai que la Roumanie souffre d'une image plutôt négative au regard d'une partie de la population navigant en "eaux troubles" ... En Roumanie, il est courant de dire que les "voyous" sont partis à l'étranger, là où il y a plus d'argent.

Et fort est de constater que nous n'avons croisé que des gens sympathiques dans les différentes communautés. Ceux que l'on appelle romanichels ou gitans nous ont accueillis chez eux à bras ouverts et nous ont fait découvrir l'histoire passionnante de leur communauté venue tout droit du Rajasthan, en Inde. Rien à voir avec l'image négative que nous recevons souvent en France des gens du voyage.

Anthony Laplagne

Il nous est régulièrement arrivé de laisser les sacs attachés avec de simples tendeurs sur les motos dans de grands parkings et nous avons toujours retrouvé nos affaires à notre retour. Les médias devraient montrer la Roumanie sous son véritable aspect.

Pouvez-vous nous présenter les grandes lignes du circuit moto que vous avez mis en place ? 
Nous avons souhaité axer le séjour autour de l'une des routes les plus mythiques au monde, la Transfagarasan. Mais il nous fallait aller au-delà et faire découvrir l'histoire, la culture et la variété des paysages du pays. C'est pourquoi, outre cette magnifique route en lacets, nous visitons plusieurs sites de l'UNESCO, des mines de sel, d'or, de hauts lieux de l'ère romaine, des forteresses du temps des Saxons ...

Et bien sûr, nous passons du temps à faire de belles rencontres avec des artisans, propriétaires de chambres d'hôtes, maréchaux-­ferrants, boulangers ... Donc, la Transfagarasan, oui, nous y allons, ainsi que sur la Transalpina qui est une route plus douce aux paysages tout aussi magiques, et nous en profitons aussi pour faire connaître ce superbe pays qu'est la Roumanie.

Le pays compte effectivement deux routes de montagne importantes: la Transalpina et la Transfagarasan. Que représentent ces deux itinéraires pour les motards voyageurs? 
Un Graal ! C'est un peu comme la Route 66 aux USA ou la Transhimalayenne en Inde. Ce sont des routes à faire et à cocher dans le manuel du parfait motard voyageur. Après, en motard voyageur, je vous dirais que c'est un but mais que ce qui est important est tout ce qu'il y a autour. C'est la découverte d'une nouvelle destination et de ses atouts.

La Transfagarasan

Peut-on donc dire de la Transfagarasan aujourd'hui qu'elle est aussi courue que le Col du Stelvio ou que le cap Nord auprès des motards? 
Non, cette route est encore un peu secrète mais cela ne va pas durer. Sur place, nous avons vu beaucoup de motards mais surtout d'Europe Centrale, d'Autriche et d'Allemagne. Cela explique d'ailleurs certainement la taille des bières que l'on nous servait... Ces motards aimeraient bien garder pour eux la destination mais je ne pense pas que cela dure. Road Trip Magazine va d'ailleurs faire connaître cette destination à de nombreux motards qui n'y pensaient pas.

Sans ces deux routes, pensez-vous que la destination aurait autant de succès ? 
C'est une bonne question. Je crois malheureusement que non. En revanche, une fois que les motards auront vu ce que la Roumanie a à offrir, ils seront plus nombreux à vouloir visiter d'autres parties du pays. J'ai pu le constater avec le groupe test qui m'a accompagné sur ce premier départ fin juin.

Nous prévoyons déjà plusieurs autres parcours sur la Roumanie et quelques passages dans d'autres pays limitrophes comme la Bulgarie. Et je suis sûr que notre petit groupe de testeurs sera à nouveau partant sans qu'il y ait besoin de mettre la Transfagarasan au milieu.

Magnifiques paysages

Souvent lorsque l'on découvre une nouvelle destination, quelques surprises, bonnes ou mauvaises, s'invitent au fil des kilomètres? Quelles sont celles auxquelles vous avez eu droit? 
Effectivement, c'est tout l'intérêt de nos séjours d'aventure où nous emmenons un petit groupe de testeurs à un tarif privilégié afin d'essuyer les plâtres. Certaines routes que nous avons sélectionnées sont en travaux de rénovation et occasionnent de grosses difficultés et de beaux détours. D'autres routes prises en alternative aux voies principales se révèlent être des pistes recouvertes de graviers contrairement à ce qu'indiquent les cartes routières.

Les vues satellites étant rarement à jour en Roumanie, il faut passer du temps sur le terrain. La route parfaite sur la carte s'avère l'être aussi pour les camions et il faut alors tout changer. Ensuite, certains lieux méritent qu'on y passe du temps et cela modifie la durée de l'étape, il faut donc réadapter notre parcours. Et pour finir, certains hébergements ont nécessité quelques adaptations pour nous permettre d'offrir le parfait équilibre que nous recherchons.

Comment vous êtes-vous organisé pour mettre en place votre circuit? 
Cela a pris un peu de temps car Raluca, ma partenaire sur place, voulait trop en mettre sans se rendre compte du temps à passer sur les routes. Car il est bien sûr hors de question de ne faire que les routes principales, il nous fallait de petites routes au cœur de la campagne. Et les petites routes roumaines sont souvent des pistes, le travail a donc été long à ce niveau.

Ensuite, il a fallu que Raluca adapte son choix de lieux à visiter par rapport à notre temps de roulage et cela n'a pas été facile car, passionnée comme elle l'est de son pays, il aurait fallu plusieurs semaines pour réaliser ce parcours de 8 jours. Mais nous y sommes arrivés !

Un des nombreux châteaux du pays

Lors du précédent Alpes Aventure Motofestival qui s'est tenu début septembre à Barcelonnette et auquel vous participiez, la Roumanie a suscité beaucoup de curiosité auprès des visiteurs. Comment l'expliquez-vous? 
Il y a une tendance à voyager près de chez nous et à ne pas dépenser des fortunes sur un voyage histoire de pouvoir en faire plusieurs. La Roumanie a tous les atouts pour cela, il est possible de s'y rendre avec sa moto comme il est facile d'en louer une à un bon prix. Les repas sur place ne coûtent pas grand-chose et les hébergements nous permettent d'être très confortablement logés. Se dépayser sans aller à l'autre bout du monde est facilement accessible.

Peut-on parler de destination "à la mode" comme l'a été et comme l'est encore la Croatie? 
La Roumanie va le devenir, c'est sûr. Mais il ne faut pas attendre trop longtemps pour en profiter au mieux. Les tarifs en Croatie ont bien augmenté depuis le début de la période touristique et l'accueil n'y est plus aussi agréable que cela l'était il y a 10 ans. Cela sera pareil pour la Roumanie, profitons ­en avant un afflux plus massif de touristes.

Rencontres sur la route

Aujourd'hui peu d'agences proposent cette destination. Pensez-vous que la concurrence va s'organiser ? 
Ce n'est pas une destination qui fait rêver et cela à des médias, comme nous l'avons vu plus tôt. Mais avec ses routes et son accueil, la tendance va rapidement changer. Parlez avec des personnes qui sont allées en vacances en Roumanie et vous verrez que le bouche-à-oreille va rapidement avoir son effet. La concurrence va bien entendu y venir et je le souhaite fortement, c'est ce qui permettra de mieux promouvoir le pays.

Quels sont les premiers retours de satisfaction dont vous disposez ? 
Notre petit groupe de testeurs a été enchanté par ce premier road trip roumain. Le niveau des hébergements et des repas sont d'un rapport qualité-prix imbattable si l'on sait où aller. La culture et surtout l'histoire du pays ont passionné même les plus récalcitrants. Les routes ont
beaucoup plu et seuls les nids-­de-poule fréquents sur certaines portions ont généré quelques commentaires négatifs.

Votre circuit est disponible avec ou sans guide? Dans quel cas la présence de ce dernier est-elle recommandée ?
Oui, nous avons deux versions. La version guidée s'adresse surtout aux personnes adeptes de culture. Le guide est là pour partager ses connaissances et il est passionné. Il saura aussi briser la barrière de la langue avec les locaux pour le plus grand plaisir de tous. La version liberté permet de voyager à son rythme et de s'arrêter ou non sur les points à visiter. Ce sont deux types de voyage bien différents.

Village roumain

Votre circuit s'adresse-t-il à tout motard quelle que soit son expérience ?
Il ne faut pas avoir peur de rouler sur de petites routes où un nid-de-poule peut apparaître n'importe quand. Sinon, rien de bien difficile. Il y a parfois quelques options de pistes roulantes mais toujours des alternatives. Donc, oui, je dirais que ce séjour s'accorde avec tous les motards qui savent prendre de jolies courbes tout en restant bien attentifs à la route.

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